Jeu, 23 mars 2023
Si cette idée est, à première vue, « tentante » pour l’employeur qui y voit une occasion rêvée pour observer le candidat de plus près et faire plus ample connaissance, elle soulève néanmoins quelques questions dont notamment celles de la rémunération et des assurances et, en cas d’engagement, celle du décompte ou non de ces journées du temps d’essai.
A l’heure actuelle, la pratique est si peu règlementée qu’elle débouche fréquemment sur des malentendus, voire des conflits, particulièrement lorsque le candidat n’est finalement pas engagé. Il est utile de rappeler qu’un contrat de travail est réputé conclu lorsque l’employeur accepte pour un temps donné l’exécution d’un travail qui, d’après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire (art. 320 al. 2 CO). Ainsi, si la personne à l’essai effectue, en l’absence de tout contrat précis de travail, des tâches pendant sa ou ses journée(s), elle s’attend généralement à une rémunération. Ainsi, dans la très grande majorité des cas, ces journées doivent être rémunérées.
Ces journées d’essai peuvent dans la pratique prendre deux formes qu’il convient de distinguer. Dans la première hypothèse, le candidat n’effectue aucune tâche et se contente d’observer le fonctionnement de l’entreprise et le travail qui lui serait confié en cas d’engagement. Cela permet à l’employeur de se faire une première idée sur la personnalité du travailleur et de son intérêt pour le poste. Dans ce cas précis, il est envisageable d’exclure toute rémunération, dans un accord écrit mentionnant explicitement qu'il s'agit de journées d'essai non rémunérées, ceci afin d’éviter toute revendication ultérieure.
Dans la seconde hypothèse, le candidat prend concrètement part à l’activité de l’entreprise et exécute divers travaux. Bien qu’il serait en principe licite de ne pas rémunérer ces journées d’essai (dans certains contextes bien particuliers et pour autant que cela soit fixé au moyen d’un accord écrit), nous estimons néanmoins qu’un salaire devrait être versé. Il apparaît par ailleurs nécessaire d’en fixer le montant dans une convention écrite, faute de quoi cette tâche reviendrait au juge en cas de désaccord. La pratique consistant à rémunérer la personne par le biais de bons cadeaux est vivement déconseillée, dès lors qu’elle est controversée sous l’angle des assurances sociales et du traitement fiscal dont elle ferait l’objet.
Dans l’hypothèse une, ci-dessus, à savoir celle où le candidat ne fait principalement qu’observer ou se former durant son ou ses jours à l’essai, si l’employeur décide d’engager le candidat, il pourra prévoir un temps d’essai complet, limité au maximum à trois mois (art. 335b al.2 CO) pour autant qu’il l’a expressément prévu par écrit dans le contrat de travail (par défaut le temps d’essai dans un contrat de durée indéterminée est d’un mois). Tel n’est pas le cas, à notre avis, dans l’hypothèse où l’employeur engage la personne qui aura exécuté du travail durant son ou ses jours à l’essai.
En effet, la restriction à trois mois de la durée maximale du temps d’essai a été instituée pour des raisons évidentes de protection des parties, qui sont toutes deux placées dans une situation de relative précarité ; une résiliation dans un délai de sept jours (ou moins si expressément prévu par écrit dans le contrat de travail) pouvant intervenir à n’importe quel moment, d’un côté comme de l’autre. Il n’est par conséquent pas soutenable de contourner cette disposition légale en imposant des journées d’essai avant la conclusion même du contrat de travail. Le temps d’essai du candidat qui aurait finalement été engagé doit ainsi être amputé des journées d’essai qui ont été effectuées préalablement. Ainsi, si un candidat a fait une semaine de période à l’essai et qu’il est engagé dans l’entreprise avec un mois d’essai, ce temps d’essai doit être amputé d’une semaine, celle faite avant la conclusion du contrat de travail.
Du côté des assurances, il convient d’avoir à l’esprit qu’une couverture contre les accidents est obligatoire dès le premier jour d’activité, qu’il s’agisse d’une ou de plusieurs journées d’essai rémunérée(s) ou non. En cas d’occupation n’atteignant pas huit heures hebdomadaires, la couverture se limitera aux accidents professionnels, étant précisé que, dans ce cas, les accidents survenant sur le chemin entre le domicile et l’entreprise seront considérés comme tels. Dans le cas des journées non rémunérées, il y a lieu de prendre en considération, pour le calcul de la prime, un gain journalier d’au moins 20% du montant maximum du gain journalier assuré (soit CHF 81.20) si la personne a 20 ans révolus, et d’au moins 10% dans les autres cas (soit CHF 40.60).
Lorsqu’il s’agit de journées non rémunérées, il est fortement recommandé d’annoncer la venue de la personne à l’assurance accident afin que cette dernière puisse calculer la prime afférente. Cela permet également aux parties d’avoir la certitude que la couverture a bien été étendue à la personne concernée.
S’agissant des cotisations aux assurances sociales (AVS/AI/APG/AC), celles-ci ne sont dues que si une rémunération est prévue, étant rappelé que les salaires ne dépassant pas CHF 2'300.- par année civile et par employeur en sont exemptés, sauf demande contraire du travailleur. Enfin, dès lors que les journées d’essai dureront moins de trois mois et n’engendreront qu’un faible revenu, aucune affiliation à la LPP n’est requise.
En cas d’engagement ultérieur, les montants versés à l’occasion de ces journées devront être additionnés au montant du salaire perçu pendant l’année en cours afin de déterminer si les conditions de l’assujettissement aux assurances sociales sont remplies.
En conclusion, ces journées d’essai ne sont pas en soit illicites, mais il convient d’en définir les contours de manière rigoureuse afin d’éviter toute confusion sur la volonté réelle des parties. On précisera que dans les faits, dès que la personne effectue des tâches, elle mérite un salaire pour ce travail effectué, selon la maxime que tout travail mérite salaire.
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